Ironman 70.3 Vichy 2016
Une semaine avant ce samedi, je me suis cassé la figure à vélo sur le tri de Lausanne. Je ne savais pas si je pourrais courir ce week-end jusqu’à mercredi et je n’ai pas pu effectuer la moindre séance d’entraînement dans la semaine. Quand je me rends sur les lieux du départ samedi matin, le sac est léger, car la combinaison de natation est restée à l’hôtel, mais l’esprit est plutôt lourd, chargé de doutes. Je ne m’entraîne plus assez pour être au top de ma forme en natation depuis longtemps. Je me concentre sur la course à pied, car mes derniers objectifs de la saison seront dans cette discipline. Mais comment va se passer ce 3ème half de la saison? Réponse dans quelques heures. Bien j’espère.
Je me vide la tête. Je ne pense plus à la chute… Je me remémore Galway, le plaisir que j’ai eu tout au long de la course, l’absence de pression. Et les bonnes sensations qui vont avec… Je veux revivre ça.
Le lieu du départ est à 30min de marche de l’hôtel. J’arpente les rives de l’Allier quasi seul. L’obscurité règne. Le calme aussi. J’écoute un peu de musique. En arrivant dans la zone de départ, après être entré dans le parc, je finis de préparer mon vélo. J’installe mon compteur, calibre les Vector, installe mes ravitaillements et mon bidon. Je place aussi un tube de crème solaire. Une fois le vélo prêt, je rejoins les autres membres du club. On est tout proches les uns des autres grâce à l’inscription dans le challenge team. Le premier départ est fixé à 6h50, en rolling start. 5 par 5, les athlètes sont envoyés sur le ponton puis se lancent à l’assaut des 1900 mètres de natation. Chacun se place dans la file en fonction de son chrono probable. Je me situe alors aux alentours du panneau 35min. La file avance doucement. Peu avant d’arriver sur le ponton, on se souhaite bonne course. Courage les gars! Et puis on attend le signal. Je marche sur le ponton, j’arrive au bout. On nous demande de sauter à l’eau et de ne pas plonger. Je me lance. Sans combinaison, je redoute le choc thermique, mais finalement, l’eau est bonne. Pas très claire, mais bonne. Je commence à nager.
La natation
Le parcours est simple. Un aller et retour sur un plan d’eau des plus tranquille. Pas de mass start, donc la natation est tranquille. Je n’ai jamais nagé en trifonction cette saison, et peu nagé en piscine ces dernières semaines. En ce moment, je donnerais quelques pièces pour un pull buoy. J’ai l’impression de pas avancer. L’eau est trouble, la température est agréable. Mon épaule gauche me fait un peu mal, et au fur et à mesure des minutes, les plaies de la chute de dimanche se retrouvent de plus en plus à découvert. Prévisible en passant autant de temps dans l’eau.
L’alignement des bouées est un peu particulier car en visant systématiquement la suivante on ne nage pas droit. Il vaut mieux analyser un peu plus loin où va le parcours et tenter si possible de se repérer aux bouées jaunes tout au fond.
J’essaie de me concentrer sur mes mouvements, bien glisser, et laisser le moins possible d’énergie. Enfin arrivé au demi-tour, les infos affichées sur mon chrono ne sont guère surprenantes. Pas d’exploit en natation aujourd’hui. Mais ce n’est pas dans l’eau que va se jouer ce half aujourd’hui. C’est sur la course à pied. Alors peu importe si j’égare 5 minutes maintenant.
Je fais le retour en essayant d’utiliser au maximum les bulles des autres nageurs, pour m’économiser. Avec le bras gauche, je n’arrive pas appuyer aussi fort que j’aimerais à cause de l’épaule… Mais je tiens l’allure des autres dans le petit paquet qui s’est formé.
Le retour se passe plutôt bien, hormis les affreuses odeurs de fuel au moment de passer proche des bateaux. Pas loin de la nausée pour le coup… Passage aux 1500 mètres, je sais que le plus dur est fait. Sans combinaison dans cette eau à 25°C j’ai de toute manière plus utilisé les jambes qu’à Lausanne, mais je tâche tout de même de faire un peu plus de mouvements pour éviter la mésaventure des crampes. Sortie de l’eau en 40:01. Pas bon, mais attendu.
Je cours vers mon sac dans la zone de transition, le récupère et file sous la tente, rapidement rejoint par Fred du club. J’enfile chaussettes, chaussures de vélo, lunettes et casque et je file vers mon vélo, en souhaitant une bonne suite à mon acolyte.
Arrivé à mon vélo, je le sors de son rack et continue à courir. Je sors de la zone, dépasse la ligne et monte sur le destrier. Je lance la machine debout sur les pédales, faisant par la même occasion rugir la roue lenticulaire sur le revêtement inégal.
Le vélo
Je passe les premiers kilomètres à juger de l’état de mes blessures de guerre du dimanche précédent après 40min de bain, à trouver une position à peu près possible dans les prolongateurs afin que ça me gêne le moins possible et surtout à regarder partout autour de moi pour éviter tout contact avec un autre cycliste… Pas de chute aujourd’hui !!!
J’ai peu roulé aux watts ces derniers temps, privé de mes Vector qui étaient cassées. Alors j’utilise ces informations avec prudence, préférant largement écouter les sensations. Mais avoir les chiffres de watts sous les yeux n’en est pas moins une aide utile.
La première partie s’effectue sur des routes irrégulières et dont le revêtement est plutôt moyen. J’ai les mains en bas du guidon car il m’est impossible dans ces conditions de reposer sur les prolongateurs à cause de mes bobos au coude gauche qui m’empêchent d’avoir un appui correct. Alors que 10km se sont passés, je passe ma main derrière la selle pour aller chercher le bidon avec de commencer à boire, mais constate avec surprise qu’il n’y en a plus. Il a du tomber entre la transition et ce début de parcours! Pas d’eau! Le premier poste de ravitaillement se situe au kilomètre 25. Je n’ai plus qu’à attendre en espérant vraiment que cela ne prétérite pas ma course, vu la chaleur qui s’annonce!
Peu à peu, les kilomètres passent et les routes deviennent meilleures. Je passe plus de temps sur les prolongateurs. La confiance revient et je peux me concentrer sur mon vélo. La température augmente progressivement, mais reste pour l’instant raisonnable. Il doit faire dans les 20°C lorsque j’arrive au premier poste de ravitaillement. Je saisis un bidon d’eau et un autre de boisson isotonique. Pas question de risquer de repartir de là sans rien! Il faut boire… Une fois bien fixés, je reprends de plus belle.
L’état des routes diffère en fonction des portions, mais rend plutôt correctement, même avec la roue pleine. Je sens bien que je manque un peu de fond depuis plusieurs semaines pour pousser autant que je voudrais sur les pédales, au risque de crever au poteau après 60km. Mais la moyenne est tout de même située entre 33 et 34km/h: mieux que de la ballade. Je profite des longs bouts droits, posé sur mon guidon, pour regarder au loin, le bruit du vent qui siffle dans mon casque profilé. J’ai de la chance d’être là, de pouvoir faire cette course… D’autres n’ont pas pu venir. J’ai promis de faire un peu la course pour eux.
Deuxième ravitaillement, j’échange mes bidons presque vides. Le température monte de plus en plus. Les jambes vont bien. Je fais attention à ne pas pousser de manière déraisonnable dans les faux-plats montants. Encore une fois, il faut être patient. Ce half va se jouer sur la course. Une erreur sur le vélo, et c’est par paquets de 5 minutes que ça se paiera à pied. Je suis en gestion. Au kilomètre 50, je commence a vraiment avoir confiance dans le fait de poser le vélo en bon état. Mais on m’a dit que la fin du parcours était plus accidentée… Alors attention !
Plus le temps passe, plus la chaleur monte. Ce n’est pas problématique, mais il faut le gérer. S’hydrater, et s’alimenter correctement. La clé du succès !!!
Effectivement, la fin du parcours est plus difficile, une longue montée. Pas difficile, mais longue et usante à ce stade là de la course. Ne pas se griller, mais ne pas non plus faire du sur place. Je me sens bien, je laisse les watts s’envoler, un peu… Dans la descente finale, celle qui nous ramène sur Vichy, la moyenne remonte, avec des pointes à 60km/h. Attention aux quelques virages, puis c’est le retour vers la zone de transition. Je retire les pieds des chaussures assez en avance pour ne pas être pris au dépourvu sur la ligne.
Le vélo est reposé à sa place. Temps de 2:38:21. Je suis plutôt satisfait de ce chrono au vu des circonstances. Je file vers mon sac de T2, puis sous la tente de transition. J’enfile les chaussures de course à pied, et échange le casque pour la casquette, et je suis déjà prêt à sortir sur la boucle de course à pied. A la sortie de la tente, je tend mon sac à un bénévole, un arbitre me rappelle à l’ordre pour le dossard: je le tourne et le mets devant. C’est parti.
La course à pied
Je sors de la zone de transition, puis débarque sur le parcours à pied sous les encouragements de Charlotte et Gaia, fidèles supporters du Tri Team Lutry depuis le matin! Je cours les premières centaines de mètres à 4:30/km, c’est un poil vite par rapport à ma préparation et pour les conditions. Je modère l’allure et maintiens un 4:40-4:45 environ pour le début de cette première boucle. Il fait chaud! Le premier ravitaillement arrive assez vite et il faut à tout prix n’en rater aucun aujourd’hui. Les 4 premiers kilomètres se passent absolument parfaitement, les jambes sont bonnes et l’allure semble facile. Le parcours est essentiellement plat, avec quelques rampes pour changer de niveau du bord de la rivière aux promenades dans les parcs. Je gère ces rampes pour ne pas y laisser trop d’énergie, et relance dans les descentes.
Sur chaque ravitaillement, un bénévole est armé d’un tuyau d’arrosage et d’un grand spray. Je ne manque jamais l’occasion de me faire copieusement arroser pour lutter contre le chaud. Kilomètres 5, puis 6, puis 7. Comme à Galway. La chaussette est légère! Je prends un plaisir monstre sur cette course à pied. Seul regret, le parcours étant une boucle passant de part et d’autre de la rivière, on croise peu les copains. Mais de l’autre côté du plan d’eau, Alex et Steph qui m’encouragent! Avoir des supporters sur une course, ça change quand même bien des choses!!!
J’approche de la fin de la première boucle, et hormis les passages à marcher le long des tables de ravito, je maintiens un 4:50/km qui, pour moi sur ce type de course, est un peu au delà de mes espérances. Surtout au vu de la chaleur de ce milieu de journée!
Au passage de la première boucle, on passe à l’intérieur de la zone d’arrivée. On voit cette ligne, cette arche, mais il reste un tour!! Je relance de plus belle après un arrêt « technique ». J’ai beaucoup bu depuis le début de la course…
A l’attaque de ce second tour, les jambes sont toujours parfaitement au beau fixe, mais le corps a chaud. Et ce n’est pas le première longue ligne droite, pleinement exposée au soleil, qui va arranger les choses. Au premier ravitaillement, douche et boisson iso. Il me faudrait un peu d’apport salé… Je maintiens une allure légèrement meilleure que 5:00/km, C’est l’objectif de cette seconde boucle! Si j’y parviens, je boucle ce semi en moins de 1:45.
Arrivé au passage du pont, après environ 13km, je sens un coup de moins bien arriver. En descendant au bord de la rivière, au bénéfice de la pente favorable, je maintiens l’allure, mais arrivé sur le plat, en plein soleil, la vérité frappe à la porte: 5:15/km. Je n’y arrive plus. Le monsieur a trop chaud. Je lutte tout le long de cette ligne droite interminable, pour ne pas perdre trop de temps. Je ronge mon frein avec une seule pensée en tête: « Continue! Même pas mal », jusqu’au prochain ravitaillement. Les jambes n’ont pas mal mais ne veulent plus me porter aussi vite qu’elles devraient.
Enfin, le prochain poste de ravitaillement. Je m’arrête devant le bénévole à l’arrosage. J’écarte les bras. Il me douche de haut en bas. Je remplis encore la casquette d’eau et repasse une fois encore sous la douche. Quel bien ça fait !!! Je repart. A la fin des tables de ravitaillement, on me propose un Tuc. J’en prends 3… Trop bon!!! Le salé, je suis fan, surtout quand je suis dans le dur. Rafraîchi, les réserves en sel refaites, me voici requinqué pour terminer cette course. Je repars de plus belle: 4:45/km. Quand la tête va mieux, tout va mieux!!!
Il reste environ 4km. Un long bout droit en plein soleil. Même pas peur! Je dépasse beaucoup de monde à ce moment là, encore un ravitaillement, je saisis un gobelet d’eau sans même ralentir, je ne pense plus qu’à une chose: la ligne d’arrivée. Je kiffe de nouveau, sensation incroyable. Qui aurait pu me dire qu’un jour c’est en course à pied que j’apprécierai le plus un half?? Petite rampe en montée pour grimper sur le pont, j’arrive à la hauteur d’André, qui arrive à la fin de son premier tour. Il a pas l’air facile. On échange quelques mots, je l’encourage. Il me dit de filer. J’y vais! La ligne, dans 1km. Descente, passage dans l’herbe. Surtout, ne pas se faire une cheville ici!!!
J’arrive au bout. Charlotte et Gaia sont toujours là. Merci pour les encouragements les filles. Dernier ravitaillement, je passe tout droit. J’entre dans l’aire d’arrivée, je ralentis. Je remercie mes anges gardiens, ceux qui m’ont permis de pouvoir faire cette course, ceux qui m’ont permis de pratiquer ce sport aujourd’hui, ce sport que j’aime, parce que c’est ce que Camille m’a dit de faire, parce qu’elle n’a pas eu la chance de pouvoir venir… Et la ligne. Semi en 1:42. Tellement content… Le half en 5:09:06. Je visais moins de 5h quand je me suis inscrit en début de saison, mais ce résultat me convient parfaitement au vu des circonstances.
Après la course
Passée la ligne d’arrivée, j’essaie de me rafraichir en me versant de l’eau sur la tête, et en restant assis quelques minutes à l’ombre. Ensuite, je retrouve peu à peu les copains du club. Et quelques autres, comme Mélanie qui est entrainée par la même coach que moi, un lecteur du site, qui me remercie (ou m’accuse…) de lui avoir suscité l’envie de faire du triathlon, rien que ça! On a le temps, on ravitaille, on discute, on envoie quelques messages. Dehors il fait trop chaud, alors on reste au frais.
Merci à toutes et tous ceux qui, dans mon entourage, en ligne, au bord du parcours, sur le parcours, m’ont encouragé et soutenu pour cette course et toutes les autres, merci à ma coach. Merci à vous d’être passé lire ce compte rendu. Merci à l’organisation, pour cette course impeccable, du ravitaillement sur le vélo (dosage des boissons iso parfait) à ‘organisation des jets d’eau sur la course à pied (ce qui a sauvé ma course) en passant par le checkout du vélo rapide et efficace. Bref, presque un sans faute. L’année prochaine, on compte juste sur des pâtes moins cuites et de la sauce bolognaise en suffisance sur la pasta-party… Merci à tous les bénévole.
Rendez-vous dans moins de deux semaines maintenant pour le dernier half de la saison à Weymouth, UK.
En te lisant on a l’impression d’y être ! :-D
Merci pour ce compte-rendu (et les nombreux autres) et félicitations pour n’avoir rien lâché dans ces circonstances !
Beau récit … et félicitations
Bravo pour ce beau résultat dans les conditions difficiles de Vichy.
Et merci pour ces comptes-rendus qui donnent envie d’y être l’année prochaine et pour les tests motos toujours pertinents.
Quel plaisir de lire !
Comme toi, je me suis senti chanceux et heureux. Ton récit ma fait revivre cette aventure magique, à quelques dizaines de minutes derrière toi :-), et pour cela je t’en remercie !
Salutations !
Sacha T.