Berlin Marathon 2015
Initialement, cela devait être la dernière course d’une saison de triathlon bien chargée, avec le 70.3 de Barcelone et l’IM de Zurich au programme. Mais ça, c’était avant qu’une chute lors d’un entrainement vélo au mois de juin ne vienne remettre en question une grande partie de ladite saison. Jusqu’à fin juillet, impossible de m’entrainer, la faute à trois côtes cassées, et ce n’est que début août que je peux enfin me remettre à la tâche, bien tard pour les échéances restantes, à savoir les triathlons de Nyon et Lausanne puis le marathon de Berlin. Si à Nyon, le résultat du triathlon est en toute logique moyen vu le peu d’entrainement, j’arrive à réaliser une bonne course dans la capitale olympique, qui me laisse rêver à une possible performance à Berlin si ma préparation se passe bien.
Malheureusement, reprendre l’entrainement de manière intensive après une si longue interruption n’est pas sans conséquences, et je dois jongler avec les petits bobos qui ne manquent pas de survenir ici et là durant la préparation spécifique marathon, préparation réduite à 5 semaines… Et afin de me focaliser sur cette préparation et la réaliser au mieux pour cette échéance, je préfère ne pas fixer de course « test » dans la préparation (comme un semi-marathon), afin de ne pas ajouter de période de récupération trop longue là dedans.
Ma coach axe la préparation sur le soutien d’environ 80% de ma FCM avec quelques entrainements basés sur l’allure. Au fur et à mesure de la préparation, je vois bien mes performances légèrement augmenter, mais mon objectif d’améliorer ne serait-ce que de quelques secondes mon temps de Lausanne en 2011 me parait tout de même ambitieux (3h33). Je termine ma préparation sans savoir exactement où je me situe, mais en ayant la conviction que dans un bon jour, avec une bonne gestion de course, je doit bien valoir 3h30 sur la mythique distance.
Arrivée à Berlin
J’arrive dans la capitale allemande jeudi en fin de soirée, le temps de me familiariser avec le réseau de transports publics et de trouver mon hôtel. Ce n’est que le lendemain que je découvre véritablement la ville. Je profite de ce vendredi matin pour visiter les incontournables Bundestag, Porte de Brandebourg, Tour de la télévision, Check Point Charlie et quelques vestiges du mur. Vous trouvez ci-dessous une galerie des quelques photos réalisées entre vendredi et samedi des sites que j’ai visités:
[foogallery id= »14673″]
La fin d’après-midi est consacrée au retrait du dossard. Je retrouve Cédric, collègue de mon club de triathlon, et on se lance dans ce qui est une véritable expédition car après avoir trouvé sur la carte l’endroit où il se passe, il faut traverser la ville pour se rendre dans l’ancien aéroport de Berlin Ouest afin d’arpenter l’expo des sponsors pour enfin accéder au Graal. Comptez minimum 3 heures pour l’opération! Il faut bien avouer que l’expo est impressionnante par sa taille et la diversité des stands proposés.
On y retrouve quelques stands qui ne me sont pas inconnus!
Ne reste plus après l’opération dossard qu’à trouver un endroit où manger, et finalement aller se coucher. Il est important d’accumuler des bonnes heures de sommeil en ces instants, on ne dort jamais très bien la dernière nuit…
Le samedi, l’objectif est d’éviter de marcher des dizaines de kilomètres dans Berlin. J’occupe donc ma matinée dans un de ces bus à double étages que je qualifie habituellement d’attrape-touristes mais qui présentent l’indéniable avantage de préserver mes jambes tout en me permettant de voir l’essentiel de la ville. En début d’après-midi, retour à l’hôtel où je me change pour 30 minutes de jogging le long de la Spree. La fin de l’après-midi se passe dans ma chambre d’hôtel à préparer mes affaires pour le lendemain.
Enfin, les incontournables spaghettis viennent conclure cette belle journée dans un charmant restaurant italien, qui doit vivre la soirée la plus faste de l’année, au vu de la fréquentation de l’établissement, et la foule qui se masse encore dehors. Il nous faudra d’ailleurs plus d’une demi-heure pour trouver une table et pouvoir commander, et 40 minutes de plus pour être servis!
La course
Le dimanche matin, mon réveil sonne à 6 heures. Après la douche, je me rend au petit-déjeuner. Les regards se croisent, mais il n’y a que peu de doutes. Pour être de si bonne heure au petit-déj un dimanche matin en tenue de sport, c’est une certitude: on va tous se rendre à la même mine! Du pain complet, une tranche de fromage et un croissant. Rien d’extravagant, rien d’inhabituel. Ce n’est pas le lieu ni le moment de faire de nouvelles expériences. Je retourne ensuite dans ma chambre pour enfiler la tenue de combat et peaufiner les détails: de la crème Nok aux endroits stratégiques, du sparadrap pour ne pas terminer avec les tétons en sang. Je scotche un billet de 20 Euros sous le dossard, juste « au cas où ». J’ai le temps, inutile de partir de l’hôtel avant 8h, mon départ est fixé à 9h15. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que dehors il ne fait pas chaud.
Quand je sors il est 8h00. Il doit faire 8°C grand maximum, et le soleil ne fait que commencer à se montrer. Je me rend à la station de métro la plus proche.
Quelques arrêts plus tard, je suis à Potsdamer Platz. De là, je me rend à pied dans le Tiergarten, lieu du départ. Même avec mon pull, je n’ai pas chaud… Je ne suis pas fâché de l’avoir glissé dans mon sac au dernier moment avant de partir! La transhumance est en route et tout le monde converge vers le même endroit:
Arrivée dans le parc, c’est un nouveau labyrinthe pour trouver où déposer mon sac de l’organisation que je pourrais récupérer à l’arrivée. Il me faut une bonne dizaine de minutes pour enfin trouver où cela se passe, et 5 autres pour réussir à m’y rendre… On ne circule pas vraiment librement dans une masse de 40’000 personnes!
Enfin, je parviens à la tente qui recueille les sacs de ma série de numéros.
Je met le pull dans le sac, et j’enfile un vieil imperméable un peu troué que j’avais gardé pour ce genre d’occasion. Il ne fait toujours pas chaud, alors il est vraiment le bienvenu. C’est là que je commence à me diriger vers mon bloc de départ. Je suis les indications, il ne me reste plus qu’à traverser la petite forêt. « Plus qu’à… »
Tiens, on est plusieurs à rejoindre le même bloc! Le temps file et je commence à me demander si je serais à l’heure pour mon départ. Heureusement que mon bloc part 15 minutes plus tard que les précédents, car j’arrive finalement dans la zone de départ à 9h05. Dès qu’on arrive là, sur cette ligne de départ, on est impressionné. Surtout moi qui n’ai connu que le marathon de Lausanne et ses deux blocs de quelques milliers de coureurs. Il doit y avoir autant de personnes juste dans mon bloc que de participant sur toute la journée à Lausanne. Finalement, quand on est sur la ligne, ça donne ceci:
Le premier départ vient d’être donné, les premiers sont partis à 20km/h… On se rapproche progressivement de la ligne. Échauffement sur place, car à part quelques centaines de mètres avant d’entrer dans le Tiergarten, je ne me suis pas échauffé. Une fois juste derrière la ligne, la musique arrive et le décompte commence. Pour ceux qui n’ont jamais vécu ce genre de situations (et pour les autres aussi), c’est comme ça que ça se passe:
Mais le départ « officiel », c’est bien joli, reste à avancer jusqu’aux tapis de chronométrage. Deux ou trois minutes encore… Finalement, je passe, et me met enfin à courir. Au bout de la ligne droite, le rond-point et enfin, je commence à m’inquiéter de mon rythme. Je consulte mes deux montres (on ne se refait pas…) et les deux m’indiquent des allures bien différentes…
Point positif: la masse de coureur annihile toute velléité de partir trop vite. Mon premier kilomètre passe en 5:10. Vu mon objectif, ce n’est pas trop rapide, mais je n’ai pas perdu non plus trop de temps. Je pensais sincèrement que cela pourrait être pire compte-tenu de la quantité de coureurs.
Il n’est néanmoins pas facile de négocier ces premiers kilomètres. Après chaque virage, la masse ralentit, puis accélère. Il faut être à son affaire pour ne pas se laisser emmener à un rythme qui n’est pas le sien. Mon objectif est de passer le semi marathon à une allure de 5:05-5:10, puis de tenter de terminer cette course à 4:50-4:55. Le maître mot est donc: patience.
Au niveau des conditions, depuis que je cours je n’ai plus froid, et le soleil commence à inonder la ville. La température monte peu à peu. Sur cette première moitié de course, les conditions sont idéales!
Le premier ravitaillement se fait attendre. Je le pensais plus proche. Je n’ai avec moi que trois gels, pour le reste, je ferais avec les ravitaillements. Enfin, après environ 5km, le premier ravito. Mon allure est pile-poil ce qui était prévu. Je passe avec quelques dizaines de secondes de plus que les 25 minutes. Je me sens parfaitement bien, rongeant mon frein pour accélérer un peu! Les jambes ne font pas mal, ma fréquence cardiaque est dans les mêmes zones qu’à l’entrainement: tous les voyants sont au vert.
Comme je le disais précédemment, je n’ai jamais couru lors d’une course d’une telle ampleur. Je suis donc surpris passé les 10km d’avoir toujours autant de personnes autour de moi. A Lausanne, j’avais l’habitude d’être rapidement esseulé et de devoir luter avec moi-même pour rester dans l’allure. Ici, il suffit de trouver un lièvre qui a le même rythme que celui qu’on vise et de suivre. Il n’y a que les ravitaillements qui brisent ceci. Et on essaye de suivre au plus près les trois lignes bleues au sol (on les voit ci-dessus) pour suivre le plus possible la ligne idéale!
Je sais que ma course va véritablement commencer au semi-marathon. D’une part, parce que j’ai peu de sorties d’entrainement qui ont été au delà de 20km, et d’autre part parce que c’est là que d’après mon plan de course, je dois augmenter le rythme. Quand enfin je passe le semi, parfaitement dans les temps escomptés, je me met à accélérer. Gentiment, et sans en mettre trop.
Notez que le temps affiché sur le chrono du semi est celui depuis le premier départ. Il y a donc près de 20 minutes entre le premier départ (coup de feu) et le moment où j’ai effectivement passé la ligne de départ! Passé le semi marathon, je prend mon second gel fixé à ma ceinture, pour ne pas tomber en panne d’énergie!
Je me fie aux temps de passages lors de chaque kilomètres, et pas à la vitesse instantanée affichées sur la V800 ou la Vivoactive, les variations étant trop grandes. Je regrette presque de ne pas avoir calibré un footpod sur l’une des deux pour avoir une vitesse instantanée plus fiable… Mais Mon allure est bien passée à 4:50 et je la tiens sans problème. Bien sûr, ma FC a grimpé un peu, mais toujours sous contrôle, et les jambes semblent tenir comme il faut. Les kilomètres passent selon le plan, sans accroc.
Le soleil tape désormais un peu plus fort et la chaleur se fait sentir. Ce n’est pas un problème, sachant les conditions estivales que nous avons eues et dans lesquelles ma préparation à commencé. Et au kilomètre 26, je me met à rêver: les muscles des jambes commencent à peine à tirer un peu, et l’allure est toujours au beau fixe. Dans 4km, je serais au 30ème et à une heure de l’arrivée. Il me suffit d’arriver tenir ce rythme pour aller au bout. Et si des gens déguisés en Empereurs chinois y arrivent toujours, pourquoi pas moi?
Je passe le kilomètre 30 sans encombre, hormis au niveau de l’estomac qui me fait comprendre qu’il faudra faire sans le troisième gel. J’essaie donc de viser les boissons isotonique des ravitaillements pour ne pas tomber en panne…
Les jambes commencent à devenir lourdes. C’est le jeu, c’est là que les choses sérieuses commencent. Je sens mes mollets, qui deviennent moins capables d’encaisser ma foulée jusque là sur l’avant du pied mais qui a tendance à se faire de plus en plus sur l’arrière du pied. Les quadri ne sont pas en reste et commencent à montrer des signes de fatigue. Il faut alors se remobiliser dans la tête, penser à d’autres choses. Garder cette allure de 4:50.
C’est fou: au début d’un marathon, les kilomètres semblent très courts. On passe le premier et à peine le temps de regarder sa montre, on est déjà au deuxième. Le cinquième est là en un claquement de doigts, et on passe presque tout de suite au 10ème. Jusqu’au semi, c’est tellement facile… Mais depuis le 30ème, c’est une autre histoire… Rien de vient plus mobiliser les pensées que ces décimales qui défilent si lentement sur cette montre. 31ème. Tenir… Ravitaillement, un peu de thé, pour changer.
Je regarde dans le public. Certains arrivent à me donner le sourire à ce moment avec un panneau qui dit « It seem to be a lot of work for a free banana« … D’autres plus loin: « Giving up? Not an option« . Non, ce n’est pas une option… Pas du tout. Je suis encore dans les temps de mon record personnel. 32ème kilomètre: un tendon qui se manifeste. Au pied droit, pas celui que j’attendais: cette distance est pleine de surprises. Finalement, je me demande si ce parcours plat est vraiment une bénédiction. Au moins quand il y a des montées, il y a des descentes, et ça fait un peu de bien.
On revient vers le centre ville, celui que je connais pour l’avoir arpenté ces deux derniers jours. La cathédrale bombardée. 34ème kilomètre: c’est dans la tête qu’il va falloir finir cette course car les jambes ont fait ce qu’elles pouvaient, mais elles sont en train de rendre les armes. Il reste 8km, ce n’est plus grand chose, mais c’est encore tellement! Mon allure baisse: 5:10… 5:15. Allez, on lâche rien.
Passage du 35ème, et malgré toutes mes tentatives de pensées positives, mon entrainement ne me permettra pas d’aller au bout de cette histoire en 3:30. Il va falloir se faire une raison. 5:30. J’étais si près… 36ème kilomètre. Je commence à avoir le dos qui peine à tenir le bonhomme droit… Augmenter la cadence. Comme lors de ces derniers kilomètres sur Ironman, quand plus rien de va, augmente la cadence. Ca dure 3 minutes et je pioche à nouveau… Rien à faire: comme me le dira ma coach après la course, cette distance ne permet pas un entrainement approximatif « en espérant que… ». Tu es prêt pour 42km où tu l’es pas. Je ne l’étais pas. 40ème kilomètre, 5:45.
Enfin, virage à gauche, re-virage à gauche, 41ème kilomètre, et j’aperçois la porte de Brandebourg au loin. 5:30, plus qu’une borne. Je cours depuis 3 heures et 31 minutes. Il m’aura manqué un kilomètre. Le public amassé au bord de la route nous pousse jusqu’à la porte, puis à l’entrée du parc jusqu’à la ligne d’arrivée:
Je passe donc la ligne d’arrivée en 3:36:21. Ma deuxième meilleure performance sur 3 marathons (sans compter les deux IM). A ce moment là je suis déçu… Ce temps de 3:30, je le pensais possible. Mais après, à froid, je me dis qu’au vu de mes cabrioles à vélo cet été, mon accident, la longue période d’inactivité, j’aurais aussi bien pu ne jamais être au départ. Après tout, je suis arrivé au bout, et dans un temps qui n’est « que » de 6 minutes plus lent que mon objectif que je m’étais fixé au moment de reprendre l’entrainement, début août.
Alors bien sûr, quand je me suis inscrit à cette course il y a un an, je visais 3:20, me basant sur la préparation de l’Ironman de Zurich et poursuivre la préparation spécifique à Berlin dans la foulée. Mais ça ne c’est pas passé comme ça.
La ligne passée, une bénévole m’enroule dans une de ces couvertures en plastique, une autre me passe une médaille autour du cou. Les jambes font encore plus mal maintenant que quand je courais. Il faut quand même être un peu dingue non?
Le temps de retrouver Cédric du TTL pour une petite photo, un décrassage en marchant les 2km qui me séparent de mon hôtel et la douche tant méritée. Le soir, j’ai rendez-vous avec le Footing-Club pour le repas d’après-course, mais en attendant, je reste couché dans ma chambre d’hôtel, avec de (légères) séances de Compex et quelques BD. Voilà donc mon programme pour les jours et semaines à venir: récupérer. Viendra ensuite le temps de planifier 2016… Mais ça, j’ai encore un peu de temps.
Merci à tous ceux qui de près où de loin m’ont soutenus durant cette saison et particulièrement durant les moments compliqués. Merci en particulier à ma famille, Lisbeth ma coach depuis le début de saison, Jérôme Camille et Pierre-Emmanuel avec qui j’ai partagé de nombreux entrainements, entre autres pour ce marathon. Merci à toutes et tous sur les réseaux sociaux pour m’avoir encouragé avant et après la course.
Merci pour avoir lu ce compte-rendu jusqu’au bout. J’espère que ça vous a plu! Et à dans pas longtemps, car j’ai des trucs plus techniques à publier bientôt!
Le matos
Parce qu’on est sur nakan.ch, et que ce que j’utilise comme matériel pour mes course vous intéresse probablement aussi, voici ce que j’utilisais pour ce marathon de Berlin, et les liens vers les données enregistrées:
- Montre GPS: Polar V800 (poignet gauche) avec capteur de FC H6 et Garmin Vivoactive (poignet droit)
- Appareil photo/vidéo: Sony DSC TX-30
- Chaussures: Brooks T7, presque neuves (40km environ).
- Enregistrement de la course par la Polar V800 sur Polar Flow
- Enregistrement de la course par la Vivoactive sur Garmin Connect
- Page de résultats officiels du marathon de Berlin
Certaines des vidéos postées, filmées en courant, ont été stabilisées à l’aide du logiciel Microsoft Hyperlapse. Merci à Solange pour la photo de Cédric et moi à l’arrivée!
Merci pour le récit
Bonne récup
Amitiés
Denis
Salut
Merci pour ton ces comptes rendu sur les marathons/ semi …et sur la V800.
Cela m’apporte des infos bien utiles pour l’année prochaine ;-)
Premier marathon à Lausanne de prévu
Bonne route
Joan
Je participerai (après 4 tirages) au marathon de Berlin en septembre 2016, ce sera mon 4ème marathon.
Un grand merci pour ton récit, fort utile de pouvoir mettre des mots sur tes photos, histoire d’être moins terrifié le jour J, il y a déjà assez de choses à gérer.
En tout cas une chose est sûre, je suis en pleine phase d’entraînement de fond avec 4 sorties par semaines et ton reportage ne me donne qu’une envie : enfiler mes baskets.
Salutations et merci
Thierry
Poliez-le-Grand